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Psycho : je n'aime pas les vacances…

  • 31 juil. 2018
  • 5 min de lecture

Dernière mise à jour : 3 sept. 2018

Bouquiner sur la plage, dormir jusqu'à pas d'heure, profiter de sa famille, du soleil, des dîners dans le jardin… Bizarrement, pour certains, les congés sont pourtant synonymes de stress, d'ennui, voire de panique. pourquoi ? Décryptage.


Les vacances, pour beaucoup d'entre nous, c'est sacré ! On attend avec impatience ces quelques semaines de repos bien mérité. Mais si, pour 55 % (1) des Français, ces grandes pauses sont un besoin vital, 19,2 % préfèrent ne pas partir. Un chiffre qui ne surprend pas Marie-Estelle Dupont, psychothérapeute : « La rupture avec le quotidien peut être violente pour certains… » Quelles sont les raisons qui les poussent à ne pas vouloir quitter leur quotidien ? Ils nous racontent.


J'angoisse à l'idée de partir de chez moi


Pour beaucoup, quitter leur « home sweet home » est une source d'anxiété. Quand elle y pense, Véronique, mère de trois enfants, en a mal au ventre. « Ici, j'ai tout à portée de main : les médicaments, les jouets, le linge, les doudous… Si je m'en vais, c'est comme si je repartais de zéro. » S'éloigner de chez lui ? Mission impossible aussi pour Anthony, 28 ans. Il a une peur bleue d'avoir un accident de voiture ou d'avion, ou de tomber gravement malade. Selon les psychologues, les vacances peuvent être un vrai gouffre pour les anxieux, puisqu'elles conduisent vers l'inconnu. « Quand on a besoin de tout contrôler, partir, même si ce n'est qu'à quelques kilomètres, est stressant, car on n'a de pouvoir sur rien », développe Marie-Estelle Dupont. Maladies, moustiques, inondations, qualité de la nourriture, jours de pluie… En vacances, impossible d'anticiper le pire. Enfant, Sophie nouait un ruban sur le grillage du jardin de sa maison avant de partir. « Je me disais que, à mon retour, il serait toujours là. Ce côté immuable – "tout sera comme avant mon départ" – me rassurait. » Un rituel qui palliait une angoisse de séparation… qu'elle a transmise à son fils, Timothée. « A 18 mois déjà, quitter la maison, ne serait-ce que pour un week-end, le chamboulait. Quand on revenait, il embrassait les murs de notre pavillon. Cela a duré pendant toute son enfance et son adolescence. Puis, petit à petit, il s'est lancé des défis pour partir de plus en plus loin. Il a apprivoisé ses inquiétudes et maintenant, c'est un vrai globe-trotteur. » Voyager nous oblige à quitter notre confort, notre cocon. Pour être détendu dans un endroit inconnu, Amélia Lobbé (2) , psychologue, recommande d'« emporter des objets de chez vous pour vous sentir comme à la maison. Plaids, doudous, oreillers, nappe… vous aideront à surmonter les peurs ».


Quand on a besoin de tout contrôler, partir, même si ce n'est qu'à quelques kilomètres, est stressant, car on n'a de pouvoir sur rien

Je préfère travailler


« En vacances, je tourne en rond, j'ai besoin de travailler », souffle Emilien, architecte. Quand il est en congé, il reste accroché à son téléphone, prêt à retourner au bureau, si besoin. C'est plus fort que lui. Comme Emilien, 33,5 %3 des salariés avouent se connecter pendant leurs vacances d'été pour travailler. Rien d'étonnant, selon Amélia Lobbé. « Dans notre société, le fait d'être débordé est valorisé. Il peut être difficile pour les accros au boulot de décrocher du stress, de l'adrénaline. Ces "drogues" leur donnent l'impression d'exister et d'être indispensable. » Un besoin de se sentir effcace à tout prix qui révèle l'angoisse de la « rencontre avec soi-même et qui empêche d'apprécier les congés », ajoute Marie-Estelle Dupont. Alors, pour profiter des vacances tout en palliant le manque d'adrénaline, Amélia Lobbé conseille de « s'occuper en pratiquant des activités sportives à sensation, comme le parachute ou le deltaplane ».


J'ai peur de m'ennuyer… ou de trop penser


Réparation de la tuyauterie, rangement du dressing et des papiers, courses pour la semaine… pendant les vacances, Ruben n'a pas une minute à lui. Profiter d'un bain de soleil, d'une sieste au jardin, d'une balade au bord du lac ? Impossible pour cet opticien de 45 ans. Ses vacances n'en sont pas vraiment, il l'avoue. « A la fin de la journée, je suis encore plus fatigué que quand je travaille. J'ai trop peur de m'ennuyer. » Marie-Estelle Dupont analyse : « Ruben s'agite, s'occupe, n'est que dans le "faire" en oubliant d'être. Il évite la rencontre avec soi-même et ses angoisses, le vide et la solitude. » Même problème pour Nadia, divorcée depuis trois ans. « Je ne pars plus en vacances. Dans ces moments supposés agréables, je me sens encore plus seule que d'habitude, alors je m'occupe comme je peux. » La psychologue observe : « En optant pour la suractivité, ces personnes fuient la dimension relationnelle et affective de la vie. Et pourtant, ce sont dans les périodes de répit que nous trouvons la force de réarmer et d'avancer le reste de l'année. » Alors, comment faire ? « Pour ceux qui ont cette peur du vide, mieux vaut privilégier des voyages ayant du sens et un but comme le pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle ou un festival de musique qui permet de voir du monde et de s'occuper tout en se reposant l'esprit », conseille Amélia Lobbé.


C'est dans ces périodes de répit que nous trouvons la force de réarmer et d'avancer le reste de l'année.

Je me mets trop de pression


Anne, 52 ans, prévoit ses vacances d'été depuis le mois de décembre. « Où partir ? Avec qui ? Plutôt à la plage ou à la montagne ? Prendre l'avion ou le train ? » Une organisation qui lui prend plusieurs heures par semaine, parce qu'elle change d'avis, a peur de choisir une mauvaise destination, que les enfants n'aient aucune activité sur place, qu'il ne fasse pas beau, que l'hôtel ne soit pas assez bien… Autant certains prennent du plaisir à la préparation, autant cela épuise Anne, qui n'est pas assez sûre d'elle et de ses choix. Nora, 25 ans, regrette : « Il y a une injonction à ce que les vacances soient parfaites. On doit être bronzés, athlétiques, être dans un joli cadre pour prendre des photos, rencontrer des gens, faire la fête tous les soirs… Cela me fatigue d'avance de devoir entrer dans ce "cadre". » Mais pourquoi faudrait-il accepter cette norme ? « A force de se lancer plus de défis qu'au travail, les congés finissent par se transformer en corvée. Or il n'y a pas de vacances modèles, on crée la vie que l'on souhaite », rappelle Marie-Estelle Dupont. Les vacances heureuses, c'est aussi accepter les imprévus. « Il faut se demander ce que l'on veut vraiment pour cette période-là, et ce n'est pas forcément la même chose pour tout le monde », ajoute la psychologue. Pour Christian, qui travaille toute l'année dans la perspective de ses quatre semaines de congés, c'est le retour qui est déprimant : « On les attend impatiemment et elles ne durent que quelques jours ! Finalement, ça ne vaut pas la peine de partir. Reprendre le rythme, c'est encore plus dur. » La psychologue explique : « Certains relâchent tellement pendant cette pause que le retour peut être violent et parfois contre-productif. » Pour éviter la déprime, voici donc son conseil : « Il vaut mieux prendre quelques jours régulièrement dans l'année, puis trois semaines entières pendant l'été : une pour relâcher, une pour se reposer, une pour réarmer… »


Un sujet tabou ?


Pourquoi est-ce si dur d'avouer que l'on n'est pas doué pour les vacances, que ces périodes nous terrorisent et que, finalement, on se plaît bien dans notre routine ? Il y a un consensus sur les vacances.

Tout le monde est censé les aimer… L'être humain est calibré pour avoir un principe de plaisir, donc, forcément, quand on entend cela, on se dit que la personne a un problème. Pourtant, « c'est une réaction très commune, explique Marie-Estelle Dupont. La mère de famille qui va devoir tout organiser, le père célibataire qui appréhende les premières vacances avec son fils, un agoraphobe, un veuf, une divorcée… » Alors, décomplexez !


1. Dossier « Les vacances des Français depuis 40 ans », Insee.

2. Auteure de vaincre l'anxiété et les crises d'angoisse, Leduc.s.

3. Pratiques numériques des salariés pendant les congés, Eléas.


Article publié dans Version Femina n°849




 
 
 

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